Cercles chromatiques / Chevreul

La notion de cercle chromatique est associée à l’oeuvre de Michel-Eugène Chevreul (1786-1889), chimiste, teinturier et théoricien de la couleur.

L’apport de Chevreul à l’histoire de la teinture est double : d’abord par le nombre et l’importance des articles et ouvrages qu’il y a consacré, ensuite par sa méthode d’expérimentation scientifique et ses essais systématiques. Chevreul a en effet abordé son travail à partir de 1824 à l’atelier de teinture de la Manufacture royale des Gobelins comme un scientifique, cherchant à mettre la science et ses protocoles au service de la technique artistique. 

Chevreul définit d’ailleurs son programme de recherche sur la teinture dans la préface de son célèbre ouvrage publié en 1839, intitulé De la loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés : « Dès lors que je fus appelé à la direction des teintures des Manufactures royales, je sentis l’obligation de donner à la teinture des bases qu’elle n’avait pas, et qu’il fallait en conséquence que je me livrasse à des recherches de précision, dont je prévoyais bien le nombre, mais non la variété. (…) Il me fut alors démontré que j’avais deux sujets absolument distincts à traiter, pour remplir les devoirs de la place de directeur des teintures : le premier était le contraste des couleurs considéré dans toute sa généralité, soit sous le rapport scientifique, soit sous celui de ses applications ; le second concernait la partie chimique de la teinture. Tels sont en effet les deux centres où sont venues converger toutes mes recherches depuis dix ans. »

Les recherches de Chevreul sur la chimie des colorants et de la teinture ne peuvent donc pas être séparées de celles qu’il mena conjointement sur les aspects physiques et physiologiques de la couleur.

1839

Michel-Eugène Chevreul, De la loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés, considéré d’après cette loi dans ses rapports avec la peinture, les tapisseries des Gobelins, les tapisseries de Beauvais pour meubles, les tapis, la mosaïque, les vitraux colorés, l’impression des étoffes, l’imprimerie, l’enluminure, la décoration des édifices, l’habillement et l’horticulture, Paris, Pitois-Levrault, 1839. 

Cette publication est le résultat de 15 ans d’investigation de Chevreul sur la couleur. En 1824, en raison de ses premiers travaux sur les colorants végétaux, Chevreul est appelé à diriger l’atelier de teintures des Gobelins afin de solutionner le défaut de solidité des noirs utilisés par les liciers, la couleur noire résultant alors de l’emploi successif de plusieurs teintures de couleurs différentes. Chevreul constate alors : “Le défaut de vigueur reproché aux noirs tenait à la couleur qu’on y juxtaposait et qu’il rentrait dans le phénomène du contraste des couleurs.” (De la loi du contraste simultané des couleurs, 1839, VIII-IX).

1842-1843 

Chevreul est appelé à Lyon pour y donner un enseignement sur la perception des couleurs ; son cours sur les effets optiques propres aux étoffes de soie est publié en 1846 par la Chambre de Commerce de Lyon. A la suite, la Chambre de Commerce de Lyon demanda que soit réalisé un cercle chromatique en porcelaine de Sèvres, afin de servir d’étalon aux Industriels. Quoique non réalisé, ce cercle est le point de départ de la mise au point par Chevreul des cercles et gammes chromatiques en tant que références standards.

1851

Comme son travail sur les noirs, la classification des couleurs de Chevreul est issue des besoins des liciers de nommer précisément les couleurs. Chevreul couple deux à deux six des sept couleurs du spectre solaire (Violet-Bleu-Vert-Jaune-Orangé-Rouge) afin de fonder le contraste simultané. Chevreul décrit d’ailleurs les cercles, lors de leur publication en 1855, comme résultant de sa réflexion sur le contraste simultané ayant mené à la construction d’un système de couleurs en trois dimensions.

« Cercle chromatique de Mr Chevreul renfermant les couleurs franches. 1851 », laines teintes et bois ; Paris, mobilier national.

Dans les faits, le premier cercle, exposé à Londres lors de l’Exposition universelle de 1851 et conservé au Mobilier national à Paris, a été composé comme une roue de bicyclette, cette roue constituant la base en deux dimensions de la construction chromatique hémisphérique de Chevreul. Ce cercle comprend les trois couleurs simples ou primaires (jaune, rouge, bleu) et les trois couleurs binaires : orange (jaune + rouge), vert (jaune + bleu) et violet (rouge + bleu). Chevreul partage le cercle en secteurs égaux au nombre de 72, soit 23 entre le rouge et le jaune, 23 entre le jaune et le bleu et 23 entre le bleu et le rouge. Ces 72 types ou nuances sont représentés par 72 écheveaux de laine.

Par ailleurs, chaque rayon de cette roue fait l’objet d’une gamme chromatique développée en planches, le ton pur étant toujours situé au milieu de la gamme (ton 10). Multipliés chacun par 20 tons, les 72 nuances du premier cercle donnent ainsi 1440 tons. Les neuf autres cercles devaient comprendre les 72 types du premier cercle, ternis par du noir à différents degrés permettant de déterminer ainsi les couleurs rabattues.

1855

Michel-Eugène Chevreul, Cercles chromatiques de M. E. Chevreul, reproduits au moyen de la chromocalcographie, gravure et impression en taille-douce combinées par R.-H. Digeon, Paris, Digeon, 1855

Eugène Chevreul, Exposé d’un moyen de définir et de nommer les couleurs d’après une méthode précise et expérimentale avec l’application de ce moyen à la dénomination des couleurs d’un grand nombre de corps naturels et de produits artificiels. Atlas, Paris, Firmin Didot frères et fils, 1861 

Eugène Chevreul, Exposé d’un moyen de définir et de nommer les couleurs d’après une méthode précise et expérimentale avec l’application de ce moyen à la dénomination des couleurs d’un grand nombre de corps naturels et de produits artificiels. Atlas, Paris, Firmin Didot frères et fils, 1861 © Bibliothèque centrale du CNAM, Paris : 1er cercle chromatique.

Eugène Chevreul, Exposé d’un moyen de définir et de nommer les couleurs d’après une méthode précise et expérimentale avec l’application de ce moyen à la dénomination des couleurs d’un grand nombre de corps naturels et de produits artificiels. Atlas, Paris, Firmin Didot frères et fils, 1861 © Bibliothèque centrale du CNAM, Paris : gamme chromatique du “ROUGE ORANGÉ”.

Devant à terme aboutir à un nuancier comprenant 14 420 tons, le système chromatique de Chevreul a été avant tout conçu comme un système descriptif, permettant de désigner les couleurs employés dans les arts « d’une manière précise, en rapportant chacune d’elles à des types fixes susceptibles d’être reproduits partout ». Chevreul précise en introduction aux planches de cet ouvrage que les cercles « ne sont que la réalisation de la construction chromatique hémisphérique que je décrivis en 1839 dans mon livre De la loi du contraste simultané des couleurs. »

Cette méthode de classement rationnel des couleurs et de normalisation de leur dénomination supplante les anciens nuanciers, fondés sur les nuances « grand teint ».

 

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