En 1993 et 1994, le Musée de l’impression sur étoffes de Mulhouse présente au public lors de l’exposition consacrée au « Rouge Andrinople » organisée par Jacqueline Jacqué quelques recueils inventoriés dans la bibliothèque du musée et provenant des archives d’entreprises textiles. Différents des livres d’échantillons courants, ces recueils, dont certains portent d’ailleurs le titre manuscrit de « Journal de laboratoire »renferment des notes et échantillons résultant du travail des chimistes, particulièrement impliqués dans les manufactures textiles à la partir de la fin du XVIIIe siècle. La plupart de ces recueils sont d’une richesse extrême pour la recherche : ils décrivent en effet les essais de teinture effectués, c’est à dire les différents matériaux utilisés, les opérations à réaliser avant et après la teinture proprement dite et les résultats obtenus, souvent enrichis d’échantillons textiles, et quelquefois évalués. Pourtant, 95 % de ces recueils restent inédits et inconnus des chercheurs comme des praticiens.
Dans le même temps mais avec une spécialité différente, Dominique Cardon entreprend la publication de traités de teinture du XVIIIe siècle provenant des riches fonds d’archives de l’Intendance de l’ancienne province française du Languedoc et conservés aux Archives départementales de l’Hérault (Dominique Cardon, Mémoires de teinture, Paris, CNRS Editions, 2013 ; Dominique Cardon, Des couleurs pour les Lumières. Antoine Janot, teinturier occitan – 1700-1778, Paris, CNRS éditions, 2019). Par ailleurs, d’autres équipes de recherche étudient en Angleterre, dans les Pays-Bas, en Allemagne sur les manuels et traités de teinture qui ont été conservés, afin de documenter ces archives, d’en tester les recettes et de les publier. En Angleterre par exemple, les archives de la famille des teinturiers Crutchley, teinturiers en rouge actifs aux XVIIIe et XIXesiècles, conservées à la bibliothèque et aux archives de Southwark, sont étudiées depuis 2014 par une équipe pluridisciplinaire. Ces archives sont classées en 2020 au “Registre de la Mémoire du monde” tenu par l’UNESCO (au sein du programme de protection anglais, initié en 2010).
Au cours des travaux menés dans le cadre du programme de recherche de l’INHA et afin de procéder à une meilleure analyse critique des apports des premiers colorants de synthèse, nous avons été confrontés aux mêmes difficultés que tous les chercheurs et praticiens d’aujourd’hui, à savoir l’absence d’un outil fédérant les ressources décrivant les procédés techniques de teinture. La nécessité de disposer d’un recensement de l’ensemble des sources techniques de la teinture de la fin du Moyen Âge au début du XXe siècle conservées dans les fonds français s’est donc imposée.
Le recensement des sources techniques de la teinture a été mené par l’Institut national d’histoire de l’art et les Archives nationales au terme d’une convention conclue pour trois ans. Tout en collaborant au recensement des sources sur l’ensemble du territoire national, les Archives nationales ont entrepris un inventaire détaillé du fonds F12, fonds complémentaire des fonds restés dans les anciennes provinces. Lors des réunions préparatoires du groupe de travail, les principes suivants ont été mis au point, afin de cerner avec précision l’objet du recensement et d’en encadrer la réalisation.
Archives sélectionnées :
- Manuscrits techniques, sans limite du nombre de feuillets ;
- France, de la fin du Moyen Âge au début du XXe siècle ;
- Exposé d’un procédé au moins de teinture naturelle (les documents manuscrits présentant des installations spécifiques utilisées pour la teinture pourront être retenus) ;
- Lieux de conservation : centres d’archives, bibliothèques et musées.
Tableau d’indexation / de recensement :
- Conformité de la cote, du titre et des indications complémentaires au signalement effectué par le lieu de conservation ;
- Description sommaire dans le cadre de ce recensement ;
- Indication du nombre d’échantillons ;
- Indexation des matières colorantes.
Ce recensement sera mis en ligne à l’été 2023.
